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saké

Produit entre octobre et mars, car le froid ralentit la fermentation, le saké japonais est un vin de riz titrant autour de 15 degrés. Sa robe, généralement pâle jusqu'à la transparence, suggère qu'un saké est beau plutôt que bon. Il se boit, selon les saisons et les étiquettes, frais ou chaud. Pour M. Iida, président de l'association Okanaga, qui regroupe les meilleurs producteurs, le saké s'apparente à un miroir reflétant un état d'esprit. Plein d'arômes, un « joli » saké, ni acide, ni amer, ni trop sucré, ni trop piquant, évoque aux vrais amateurs la clarté de la lune ou une jeune femme à l'esprit vif et au caractère affirmé...

Alors que les bières japonaises et les vins étrangers remportent un vif succès dans l'archipel, les brasseurs artisanaux parient sur un retour aux sources. Loin des entreprises industrielles, qui privilégient la quantité, des maisons bien inspirées misent sur la qualité, perpétuant dans les règles de l'art l'élaboration de cette boisson délicate qu'est le saké. Les gestes se transmettent de génération en génération. « Dans la tradition, il y a toujours une modernité à redécouvrir », confie M. Masuda. Pour preuve, d'anciens sakés, appelés « le lustre de l'ambre », vieillissent au grenier, dans 1 200 fûts de porcelaine. Ces crus de dix ans d'âge se boivent chambrés et accompagnent de robustes plats, des viandes rouges mais aussi des fromages français !

Symbole d'une culture ancestrale, le saké cristallise l'esprit du Japon. Ainsi, à Kyoto, l'ancienne capitale impériale, surnommée « la Florence de l'Asie », des barils de la première production de l'année trônent dans l'enceinte des temples bouddhiques. Le précieux liquide est également déposé dans les sanctuaires shintoïstes et offert aux kamis, les esprits de la nature. Dans le temps passé, quand ceux-ci étaient rassasiés du nectar posé en offrande, les sujets de l'empereur finissaient religieusement le reste en trinquant à leur santé. Aujourd'hui encore, lors d'une cérémonie de mariage shintoïste, les époux boivent solennellement le céleste breuvage dans trois coupes de laque rouge échangées trois fois. Cet acte scelle leur union.

Au nord de Kobe, dans la région montagneuse de Tanba, la brasserie Nishiyama réalise un saké d'une saveur profonde. M. Nishiyama, son propriétaire, épris d'Italie et passionné de design, attache autant d'importance à l'esthétique qu'au goût. D'ailleurs, il fait créer d'étonnantes bouteilles pour ses différentes cuvées et n'a qu'une devise: « Le saké est quelque chose qui vient du cœur. » Avant d'entrer dans le royaume de son maître brasseur, M. Aoki, il faut chausser des bottes en caoutchouc, se vêtir d'une veste spéciale et se coiffer d'un bonnet de protection. L'homme travaille à l'ancienne, sélectionne les variétés de riz et demeure attentif à la pureté de l'eau. Une fois les grains polis, il surveille le passage du riz à la vapeur, le refroidissement puis la fermentation, grâce à l'ajout de levures, jusqu'à ce que l'alchimie opère.

À la brasserie Nadaizumi de Kobe, le maître-brasseur, M. Takahashi, appartient comme beaucoup de ses confrères à une famille d'agriculteurs. « En hiver, explique-t-il avec modestie, nos champs ne nous demandent pas beaucoup de travail, alors j'en profite pour faire du saké. » Il s'est lancé dans le métier, il y a vingt et un ans et l'a appris sur le tas. « Voler son secret au maître » est à ses yeux le seul enseignement valable. Pour ce connaisseur, « il n'existe pas de bon saké. C'est une affaire personnelle, chacun a son goût. Cette boisson est l'expression d'un sentiment. Il y a des sakés tristes, des sakés heureux, des sakés qui accompagnent les différentes étapes de la vie, qui marquent chaque départ, chaque commencement ».

Au Japon, le saké coule sans retenue à de maintes occasions. Au printemps, pour célébrer l'éphémère floraison des cerisiers, des groupes pique-niquent joyeusement sous les arbres en partageant une bonne bouteille. Pour fêter un anniversaire, un succès universitaire ou professionnel, ou pour égayer une soirée entre amis, le saké ne manque jamais. Que vous soyez hôte ou convive, la bienséance nipponne veut que chacun remplisse le verre de son voisin. Il est courtois, lorsque l'on vous sert, de tenir sa coupe des deux mains en signe de respect.

Au comptoir d'un troquet du grand Tokyo, des habitués commandent un cruchon de saké accompagné d'amuse-gueules, de haricots fermentés, de brochettes de poulet ou de tranches de poulpe au wasabi (raifort japonais). Les uns vident leur coupe d'un trait, d'autres boivent très lentement. Peut-être connaissent-ils cette légende japonaise selon laquelle de jeunes vierges, à force de mâcher longuement du riz, auraient donné naissance à ce nectar subtil que l'on appelle saké.