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Le Nord est le berceau du tokaji (tokay), cultivé sur 7'000 hectares de terre volcanique. Vendangés en novembre afin de permettre le développement de la pourriture noble, les raisins, issus principalement des cépages Furmint et Harslevelü, ne sont pas vinifiés immédiatement. Après le foulage, ils sont versés dans de grands fûts contenant du vin sec issu de raisins non botrytisés. Le mélange est laissé en macération, puis s'en suit une lente fermentation alcoolique. Une partie se transforme en alcool, et le mélange gagne en richesse aromatique. Le vin vieillit en fût pendant plusieurs années. Mis en bouteilles, le tokaji (tokay) bénéficie d'un exceptionnel potentiel de garde (jusqu'à deux siècles pour les meilleurs millésimes).
Sous le joug du système socialiste, durant ces dernières dizaines d'années, la Hongrie a beaucoup exporté, via la Monimpex, y compris du tokaji (tokay), de l'Egri Bikavér, du kékfrankos de Sopron, des Balatoni et Badacsonyi. Mais le raisin était mal payé, aussi la qualité de la vendange n'était-elle pas une priorité. Le retour à un système plus libéral devrait l'encourager à exprimer à nouveau un excellent jus de raisin.
Les cépages rouges (vörös) utilisés sont:
le Kékfrankos (qui contribue à l'Egri Bikavér) n'est autre que le Blaufränkisch autrichien, ou Limberger du Wurtemberg, c'est-à-dire une variété de Gamay;
le Kisburgundi, proche du Pinot noir, et le Nagyburgundi, variété hongroise du Pinot noir,
et surtout le bon Kádárka, dont la plaine du sud ne tire que des vins ordinaires, mais qui est aussi à la base de la plupart des premiers crus rouges.
Les principaux cépages blancs sont:
le Muskotály (Muscat Ottonel), le Veltelini, le Szürkebarát ("Moine gris", variante indigène du Pinot gris), le Kéknyelü ("tige bleue"), aromatique, le Wälschriesling, ici appelé Olaszrizling, le Léanyka ("petite fille"), qui donne un vin sec aromatique mais neutre, l'Ezerjó, dont on fait un vin sec, racé, parfumé, l'Hárslevelü, "cépage aux feuilles de tilleul", dont on fait surtout des vins doux, et le Furmint, dont certains secteurs tirent des vins doux sans caractère, alors qu'il est capable de produire le meilleur tokaji (tokay).
En général, les vins prennent le nom de leur lieu de naissance, région ou commune, auquel on ajoute le suffixe "i". Le patrimoine viticole s'élève à une centaine de milliers d'hectares. Les Hongrois distinguent 22 secteurs viticoles, mais pour notre propos il suffit de voir la Hongrie décomposée en 7 régions principales.
Monts Mecsek
Le vignoble qui s'étend aux pieds des monts Mecsek, de Pécs au sud-ouest, à Szekszárd au nord-est, est apprécié pour:
son Fleuré de Pécs, un Wälschriesling plutôt doux, le Riesling de Szekszárd, des Cabernets et Merlots, parmi les meilleurs du pays, et un bon rouge de Kádárka: le Nemes Kadar. Un peu bizarre, car botrytisé. Ce vin doit mûrir 3 à 4 ans.
À cela, s'ajoute tout à fait au sud, à la frontière croate, le petit vignoble de Villany-Siklos. Ici, les Kékoporto, Kékfrankos, Merlot, et Cabernet Sauvignon, expriment des vins charnus et savoureux.
Plaine centrale
La plaine (Alföld) située entre le Danube et la Tisza produit 200 à 300 milliers d'hectolitres de blanc : le Kecskemeti Léányka, du nom de son centre viticole Kecskemét. Cette région est plus réputée pour ses eaux-de-vie que pour son vin. Toutefois, les districts de Csongrád (sur la Tisza) et de Hajós-Vaskuti font du Kádárka.
Région du lac Balaton
Les rives occidentale et septentrionale du lac Balaton, près de la frontière autrichienne, fournissent des vins ordinaires, les Balatoni, et d'autres qui sont remarquables, les Badacsonyi. Ces blancs généreux et aromatiques issus du Kéknyelü, sont produits sur le sol basaltique de la rive nord du lac, et figurent dans le peloton de tête des meilleurs vins hongrois. Le Badacsonyi Szürkebarát est également réputé. La région du lac produit aussi le Csopaki Olasz Rizling, assez médiocre, le Balatonfüredi Ezerjó, les Boglári secs de Muskotály et Nagyburgundi. Le furmint ne donne ici que des vins ordinaires.
Sopron
Au sud du lac de Neusiedl (autrichien en majeure partie), Sopron produit des vins corrects de Kékfrankos, et aussi de Zöldszilváni.
Mátraalja
Dans le nord de la Hongrie, à 80 kilomètres au nord-est de Budapest, au pied des monts Mátra, le centre viticole de Gyöngyös produit un blanc de Chasselas, doux comme du miel, et des blancs secs issus de Chardonnay, Sauvignon, Muskotály, et Szürkebarát.
Eger
Trente kilomètres plus loin, au nord-est de Mátraalja, au pied du massif de Bükk, Eger la baroque est le centre d'une zone produisant l'Egri Léanyka et un Muscat qui est à négliger. Elle doit sa célébrité à son Egri Bikavér ("sang de taureau"), assemblage pourtant bien ordinaire de Kékfrankos, Cabernet et Kékoporto, et à son Egri Kádárka, tous deux rouges sombres, corsés, de longue garde, un peu puissants pour le goût français.
Tokaji (tokay)
Près de la frontière avec l'Ukraine, sur les rives du Bodrog, le Tokaji-Hegyalja produit surtout un Muscat léger, mais de longue garde. Cependant, il est précisément célèbre pour le tokaji (tokay). Le terroir du tokaji (tokay) se compose de loess et de débris volcaniques. L'automne sec et ensoleillé est propice au passerillage et la rivière Bodrog joue ici le même rôle que le Ciron à Sauternes.
Les cépages utilisés dans la région sont: le Muscat à petits grains, le Muscat Ottonel (à gros grains), l'Oremus, vieux cépage précoce, le Chardonnay, que les Français plantent, notamment à Megyer, l'Hárslevelü, et surtout le Furmint (du français "froment") jaune comme les blés.
Une partie de la vendange, plus ou moins importante selon les millésimes, est vinifiée en vins secs ou demi-doux, portant le nom du cépage. Leur intérêt est tout relatif. Mais la combinaison de ces trois éléments, terroir, climat, et le cépage Furmint, alliée au savoir-faire du vigneron, a produit autrefois un vin d'exception, que l'on recommence à produire depuis la chute du régime communiste. Le plus commun est le Szamorodni. Dans les années sans pourriture noble, c'est un vin passerillé, un peu comme le Jurançon. Dans les bonnes années, celles qui voient l'apparition de la pourriture noble, on pratique plusieurs tries au bénéfice de l'aszú. À l'issue des tries, ce qui reste sur pied sert à faire le Szamorodni. Ce vin est vendu prêt à boire. Assez alcoolisé, il peut être sec ou moelleux et évoque le xérès fino ou dolce selon les cas.
L'aszú (abbréviation de "aszúszolabor" qui signifie "vin de raisins passerillés") est un liquoreux titrant au minimum 14%vol, merveille de douceur dont le prix est en rapport avec la rareté. L'élaboration de ce vin est très particulière, sans équivalent ailleurs et mérite d'être connue. Les raisins atteints par la pourriture noble, séchés et concentrés, sous l'effet du botrytis, ne sont pas vinifiés immédiatement; ils sont écrasés pour former une pâte, "l'âme du vin", pétrie, puis déposée dans un puttony, seau pouvant contenir environ 25 kilos. La partie de la récolte qui n'a pas été atteinte par le botrytis est vinifiée de manière classique.Puis on lui ajoute l'aszú, en proportion spécifiée en "puttonyos": cela peut aller de 3 à 6 puttonyos par fût de 136 litres. L'aszú à 6 puttonyos est évidemment le plus précieux et coûteux.
En réalité, trois modes d'élaboration sont possibles:
1. par assemblage de vin de l'année avec une pâte de grains nobles de l'année,
2. par assemblage de pâte de l'année avec des vins d'années précédentes,
3. ou encore par assemblage de moût de l'année avec une pâte de grains nobles
de l'année.
Certains vignerons "modernes" font subir à ce mélange une macération anaérobie, au grand dam des traditionalistes, qui pratiquent la macération en cuve ouverte.La macération provoque une fermentation qui se développe à l'abri de la flor, augmentant la teneur en alcool et la concentration aromatique. Quelques jours plus tard, on soutire le vin et on le verse dans d'autres fûts logés dans des caves humides et froides (8 à 12°C). Il y effectuera une longue macération: la loi impose trois ans, mais certains traditionalistes l'astreignent à deux ans plus une année pour chaque puttony.
Les aszú peuvent être conservés 20 à 30 ans, voire davantage pour ceux de 5 puttonyos et plus: jusqu'à deux siècles, pense-t-on, dans les meilleurs millésimes. Et la patience est de rigueur car, à l'instar des meilleurs liquoreux, ces vins se bonifient pendant une longue garde en bouteille.
L'aszú eszencia, lorsqu'il y en a, est l'un des tout meilleurs tokaji (tokay): plus de 6 puttonyos. Ne pas confondre avec l'eszencia pure, vin de goutte de l'aszú, dont le titre acquis est très faible, parfois guère plus de 3% alc. vol., mais qui peut contenir 400, 500, voire 600 grammes de sucre résiduel par litre, et dont la fermentation peut durer de 5 à 10 ans. Un véritable élixir de jouvence, selon la légende locale. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il est beaucoup trop sirupeux et concentré pour être bu tel quel: on s'en sert pour composer des assemblages.
Les différents types de tokaji (tokay) :
Type de Tokaji Teneur en sucre (g/l) Extrait sec (g/l) Années en fût
Szamorodni
- sec 0-10 25+ 2
- doux 10-50 25+ 2
Aszú minimum 3
3 puttonyos 60-90 30+ 5
4 puttonyos 90-120 35+ 6
5 puttonyos 120-150 40+ 7
6 puttonyos 150-180 45+ 8
Aszú Eszencia 180-240 50+ 10-20
Comment se boit le tokaji (tokay) ?
Le Szamorodni doux est un bon accompagnement du foie gras.
L'aszú à 5 ou 6 puttonyos étant un vin d'une très longue persistance, il vaut mieux le garder pour le dessert, avec un sorbet ou une tarte aux abricots, aux prunes reines-claudes ou aux figues, et, bien entendu, avec un gâteau au chocolat. C'est l'un des très rares vins capables d'accompagner une mousse au chocolat.
Les plus rares, comme le 6 puttonyos de Szepsy et l'aszú eszencia, méritent d'être bus seuls, pour eux-mêmes !
Dans tous les cas, il convient de le servir à une température de 12 à 14°C, ni plus, ni moins.
Producteurs
À l'heure actuelle, les sources principales sont des domaines appartenant à des investisseurs occidentaux, et ceux-ci ont affirmé leur volonté de rendre au tokaji (tokay) sa gloire d'antan:
Château Disznókö, propriété d'AXA;
Oremus, qui appartient à Alvarez (Vega Sicilia - Espagne), est importé par Europvin;
les châteaux Megyer et Pajzos, propriétés du GAN;
Tokaj Hetszölö, émanation de "Grands Millésimes de France", possède le Domaine Impérial d'Hetszölö, les caves Rákóczi, et le Château Rákóczi-Dessewfly;
la Royal Tokaji (Tokay) Wine Company, fondée en 1989, est une entreprise anglo-dano-hongroise. Pour la petite histoire, Hugh Johnson en est actionnaire.
Ces domaines ne possèdent que 8% de la surface plantée, mais achètent la moitié des grains nobles disponibles. Nous verrons ces prochaines années ce que chacun a su tirer du splendide millésime 93.
Voir également l'entrée Hongrie - Tokaj.
Sitographie :