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Le classement de Saint-Émilion confirmé par la justice en décembre 2015… pour combien de temps ?
Le 17 décembre 2015, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête d’annulation du classement 2012 des crus Saint-Émilion. Mais à peine confirmé par la justice, ce classement va à nouveau être attaqué avec le recours en appel des plaignants.
Le classement décennal des vins de Saint-Émilion, créé en 1955 est révisé tous les dix ans par l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) – dépendant directement du ministère de l’Agriculture. Lors de sa sixième révision (en 2012) où il avait été établi suite à une refonte du cahier des charges, le palmarès avait d’emblée fait l’objet de contestations de la part de trois châteaux de l’appellation mécontents de leur résultat. Ce classement qui représente des enjeux commerciaux et financiers importants, avait déjà posé problème dans sa précédente édition (huit propriétés déclassées avaient saisi la justice) et avait finalement été annulé en 2006.
Dans son édition de 2012, 96 propriétés avaient déposé une candidature et 82 avaient été retenues. À la suite de cette révision du classement, trois châteaux déclassés avaient décidé de mener l’affaire devant les tribunaux : Croque-Michotte, Corbin-Michotte et La Tour du Pin Figeac.
Le tribunal de Bordeaux vient de rendre sa décision : le classement de Saint-Émilion 2012 et son cahier des charges sont jugés valides. Le jugement a en outre souligné « la légalité de la procédure d’élaboration du règlement de classement et la qualité des travaux de la commission de classement. » Cette décision a soulagé l’INAO et le Conseil des Vins de Saint-Émilion. Jean-François Galhaud, président du syndicat de l’appellation, a réaffirmé la pertinence de ce classement : « Le classement de 1955 est une image de Saint-Émilion et on aime qu’elle perdure, mais c’est aussi le progrès en marche, une remise en question pour une quête de l’excellence (le classement de Saint-Émilion est en effet révisé tous les 10 ans). Une excellence vers laquelle les candidats doivent tendre. » « Ce qui a plu quand on lit ce jugement, c’est l’esprit du classement même si rien n’est parfait, l’esprit de logique et d’équité. »
Mais l’affaire ne s’arrête pas là : deux propriétaires ont décidé de faire appel de cette décision. Il s’agit des châteaux Croque-Michotte et Corbin-Michotte. « On est toujours sûr de notre bon droit et on va se battre. On va faire appel, surtout lorsqu’on voit la décision, il y a de quoi faire. » affirme Lucile Carle, du château Croque-Michotte. Jean-Noël Boidron, propriétaire de Corbin-Michotte s’est lui aussi indigné de ce verdict : « C’est tellement honteux, qu’on ira en appel ! C’est une injustice flagrante. Nos arguments ont été balayés d’un revers de main ». Ils contestent essentiellement les critères de ce classement et notamment la nécessité de disposer d’une salle de réception dans le domaine et d’un personnel d’accueil multilingue, la note de dégustation ne constituant pas le critère principal.
Les rebondissements juridiques du classement de Saint-Émilion sont lourdement préjudiciables à l’image de l’appellation, elles nuisent à la légitimité du travail effectué pour établir une hiérarchie. Et pourtant, ce classement a au moins le mérite de ne pas être figé dans le temps de manière définitive, il est censé accompagner l’évolution des propriétés et la qualité de leurs vins. Si ce classement devait être annulé, tout comme celui de 2006, il serait difficile d’imaginer établir à nouveau un cahier des charges pour rétablir une hiérarchie. L’appellation Saint-Émilion est-elle condamnée à vivre sans classement officiel, comme Pomerol ? Ce ne serait une bonne nouvelle ni pour les vins figurant au classement, ni pour ceux qui le contestent. Ou aurait-il mieux valu figer la hiérarchie de manière définitive comme les vins du Médoc et de Sauternes en 1855, ou ceux des Graves en 1959 ? Affaire à suivre, en appel…