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Bolgheri

Petite par la taille, l’appellation Bolgheri est méconnue du grand public. Pourtant elle nous évoque des grands vins et des domaines que la réputation précède : Sassicaia de Tenuta San Guido, les vins d’Angelo Gaja mais aussi Ornellaia, Tignanello, Solaia ou encore Masseto.
Situé en Toscane à une cinquantaine de kilomètres au Sud de Livourne, cette DOC de 1220 hectares (soit quatre fois plus petite que l’AOC Valais) possède sa propre appellation depuis seulement 1994, une date plutôt tardive, considérant la réputation des vins qu’elle produit. Concernant les vignes, on va retrouver une majorité de cépages bordelais comme le cabernet franc et sauvignon, le merlot, le petit verdot et bien sûr des cépages italiens typiques de la Toscane comme le sangiovese. Pour les cépages blancs, on retrouve le vermentino, le trebbiano et pour continuer dans la l’influence bordelaise, du sauvignon blanc. L’appellation, malgré sa petite taille, possède une grande diversité de terroirs. On y retrouve des sols alluviaux, d’origine fluviale, recouverts de galets roulés (comme on peut trouver sur certains terroirs de l’AOC Margaux), jouxtant des roches volcaniques. Cela mêle des dépôts argileux, argilo-sableux, limoneux, avec les roches volcaniques créant une belle richesse des sols. 
Le climat méditerranéen, apportant brise maritime et températures fraîches, permet la lente maturation des raisins et un bel équilibre des sucres et des acides. Le vignoble, orienté majoritairement vers le sud, atteint une altitude de 400m et s’étend de la Méditerranée à l’arrière-pays vallonné au sud de Livourne, ce qui en fait un emplacement de choix pour la vigne. Pourtant cette dernière a été plantée pour la première fois en 1944 seulement, c’était à Castiglioncello di Bolgheri, par un certain marquis Mario Incisa della Rocchetta.

Le Marquis, éleveur de chevaux mais aussi amateur de vin, eut la bonne idée d’importer des vignes de cabernet sauvignon et de cabernet franc du Château Lafite-Rothschild (propriété de son ami Elie de Rothschild), après avoir constaté des similarités entre leur sols. Son premier millésime, 1945, sera un 100% cabernet sauvignon. Jusqu’à la fin des années 1960, toute la production reste réservée au cercle familial et aux amis. Le premier millésime qui sera enfin commercialisé et distribué publiquement par le Marquis sous le nom de Sassicaia sera 1968. 
Avant d’avoir été reconnue comme appellation en 1994, tous les vins produits dans l’aire géographique de Bolgheri étaient classés en « vin de table » ou bien en IGT (Indicazione Geografica Tipica) Toscana. Un autre nom a été attribué à ces domaines qui ont osé cultiver la vigne à partir de cépages bordelais et qui se sont affranchis des carcans des appellations : les « supers-toscans ». Une poignée de producteurs se lancent dans l’aventure et suivent alors les pas de Sassicaia. Dès lors, une petite révolution est en marche. On différenciera ainsi en Toscane les fervents défenseurs du sangiovese, représentés par les plus grands domaines du Chianti Classico et de Brunello di Montalcino – vs – les producteurs «  super toscans » qui louent les qualités des cépages internationaux, plus adaptés à leur terroir selon eux.
Dans les années 1990, ces vins ont pu compter sur le soutien d’un certain Robert Parker, éminent et influent dégustateur/critique de cette époque. Son passage a laissé quelques traces dans les styles de vinifications et d’élevage… 
Outre la famille du marquis Incisa della Rocchetta, une autre grande famille est à l’origine de plusieurs « super-toscans » et cela depuis le début des années 1970 : la famille Antinori. Installée sur les bords de l’Arno à côté de Florence depuis plus de 20 générations et déjà réputée pour le commerce du tissu et du vin, elle va produire 3 vins d’exceptions : Solaia, Tignanello et Guado Al Tasso. 
L’origine de la mise en lumière des supers-toscans remonte à 1978. Le magazine Decanter organise cette année-là une dégustation à l’aveugle où Sassicaia 1972 déclasse tous les vins bordelais. Ce n’est pas sans rappeler une autre dégustation du même acabit, qui eut lieu 2 ans plus tôt en 1976, entre vins bordelais et californiens…
Outre les vins cités précédemment, que l’on retrouve difficilement en dessous des Fr. 100 la bouteille, l’offre au sein de l’appellation s’est étoffée et on compte aujourd’hui 34 caves indépendantes. La très réputée maison Gaja a racheté en 1996 le domaine Ca’Marcanda situé dans la DOC. Elle y produit 3 cuvées pour des prix un peu plus « doux » que la plupart des domaines pionniers de l’appellation.
Fait unique en Italie et très rare dans le monde (avec peut-être l’exception de l’AOC Château Grillet dans la vallée du Rhône), Sassicaia est le seul vin qui dispose d’une appellation qui lui est entièrement réservée au sein même de la DOC, avec la dénomination «  Bolgheri Sassicaia ».
Enfin, il faut retenir c’est que cette DOC Bolgheri est née d’une volonté de s’émanciper du « traditionnel », de suivre ses convictions et son instinct en prônant une viticulture adaptée à un terroir donné. Et cela, quitte à abandonner les appellations, ce qui jadis, signifiait prendre le risque de perdre une clientèle se repérant grâce à un nom, une étiquette.

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