Retour Sommes-nous vraiment arrivés à la veille du dernier goût de bouchon? Une nouvelle méthode de décontamination par le dioxyde de carbone supercritique devrait bientôt protéger les vins du goût de bouchon. Le «vrai goût de bouchon», autrefois trop fréquent, est dû à un champignon, Armillaria mellea. Aujourd'hui, des traitements appropriés l'ont pratiquement éliminé. Toutefois, un autre mauvais goût dégrade aussi le vin. Moins connu, il est dû à divers micro-organismes (des bactéries et des levures) qui transforment certaines molécules organiques en substances volatiles et nauséabondes (les chloroanisoles). Guy Lumia, du CEA de Pierrelatte, a trouvé comment décontaminer le bouchon à l'aide de dioxyde de carbone supercritique. Sa méthode débarrasse si bien les bouchons de leurs mauvaises odeurs qu'elle pourrait remplacer le bouillage, procédé classique à base de vapeur d'eau et de divers additifs oxydants. Le dioxyde de carbone devient supercritique quand sa température dépasse 31° C sous une pression de 74 atmosphères, c'est-à-dire au-dessus de son point critique. Ni gaz ni liquide, ce fluide est d'une viscosité si faible qu'il pénètre au plus profond de la plupart des matériaux poreux; très peu réactif, il solubilise de nombreuses molécules organiques. Pour cette raison, il est de plus en plus utilisé, tant pour extraire les arômes naturels que pour nettoyer les vêtements à sec, ou débarrasser de leur huile les pièces usinées. À la demande de la Société Sabaté Diosos, qui produit des bouchons, G. Lumia tente d'utiliser le dioxyde de carbone supercritique pour éliminer les micro-organismes responsables du goût de bouchon. Au cours d'une première expérience, il a d'abord mis sous pression des bouchons dans un autoclave, mais il les en a retirés en piteux état. Ces bouchons détériorés par la pression ont été analysés et l'on a pu constater qu'ils étaient parfaitement propres. Cette décontamination est particulièrement efficace puisque la quantité totale de chloroanisoles dans un bouchon n'excède pas quelques dizaines de nanogrammes par gramme. Ces chloroanisoles sont d'autant plus difficiles à éliminer que les molécules sont dispersées dans tout le volume. Après passage du dioxyde de carbone supercritique dans le liège, la proportion résiduelle de chloroanisoles est si faible qu'elle est inférieure au seuil de détection des meilleurs chromatographes en phase gazeuse. Également les œnologues ne parviennent plus à détecter à la dégustation des chloroanisoles dans le liège nettoyé. Pourtant, un palais humain entraîné est notablement plus sensible qu'un chromatographe. Le traitement a aussi un effet bactériostatique (c'est-à-dire qu'il stabilise la faune microbienne) et antifongique (il réduit la population de champignons). Pour éviter de détériorer le liège au cours du traitement, G. Lumia et ses collègues élèvent la pression par étapes en laissant aux contraintes mécaniques le temps de se répartir dans tout le volume du liège. Ainsi, les bouchons sont purifiés sans être dégradés. Ce procédé fondé sur l'emploi d'un gaz courant et bon marché devrait se développer, évitant la contamination de plusieurs centaines de millions sur les quelque 20 milliards de bouteilles bouchées chaque année dans le monde. Voir goût de bouchon.