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4 fois plus de centenaires:

Pour le touriste, Okinawa est un archipelde 161 îles verdoyantes, au sable immaculé, qui baigne dans les eaux turquoisede la mer de Chine, entre Japon et Taiwan. Pour l'historien, Okinawa évoque laplus grande bataille de la guerre du Pacifique. Une litanie de superlatifs:commencée le 1er avril 1945, elle allait mobiliser plus de bateaux, plus desoldats, utiliser plus de bombes et surtout faire plus de victimes que toutautre opération dans le Pacifique: 50'000 parmi les soldats Américains, plus de107'000 chez les Japonais, et 100'000 morts parmi les civils d'Okinawa. Mais enoccupant Okinawa de 1945 à 1972, en y tenant un registre détaillé de la santédes habitants, les Américains ignoraient qu'ils allaient contribuer à mettre enlumière un autre record. Car les habitants de cet archipel ne sont pas tout àfait comme nous: ils courent trois à quatre fois moins de risques de cancer etd'autres maladies dégénératives liées à l'âge. Surtout, avec 4 fois plus decentenaires qu'en France, c'est à Okinawa que l'on vit le plus longtemps surTerre! Trois chercheurs ont récemment percé le secret de longévité deshabitants d'Okinawa: un gériatre, le Dr Makoto Suzuki (université d'Okinawa,Japon) et les frères Bradley et Craig Willcox, l'un spécialiste de médecineinterne, l'autre anthropologue. Aujourd'hui, ils formulent des recommandationspour vivre aussi longtemps que les habitants de cet archipel.

Plus longtemps en bonne santé:

Makoto Suzuki est né à Yokohama, auJapon, en 1933. En 1970, il est envoyé sur l'archipel avec mission d'y créer undispensaire. «Il n'y avait ni médecin, ni hôpital, se souvient-il. C'était trèsintrigant.» Son enquête le mène d'abord dans le village de Yomitan. «Il yvivait un très grand nombre de personnes âgées. J'ai rencontré une centenairequi m'a dit de la manière la plus naturelle qu'une autre centenaire habitaitdans le voisinage, elle aussi en bonne santé.» À la préfecture d'Okinawa, lesregistres de naissance et de décès sont à jour depuis 1872. Suzuki identifierapidement 28 centenaires. «Je suis allé leur rendre visite ou je les aiappelés. Sur les 28, 24 vivaient à la maison, 24 étaient en bonne santé, 4étaient en maison de retraite. J'étais impressionné. Alors, en 1976, j'aiconvaincu le ministère de la Santé de financer une étude sur ces centenairespour comprendre ce qui se passait à Okinawa.» Au début des années 1980, le DrSuzuki reçoit l'aide de deux étudiants canadiens, Bradley et Craig Willcoxpartis avec une bourse de leur gouvernement. Ensemble, ils vont recueillir desdonnées très détaillées sur 675 centenaires. L'étude des centenaires d'Okinawaest née. La plus ancienne de ce type, elle suit en permanence près de 600centenaires et 4 super-centenaires de plus de 110 ans. Grâce à elle on en saitplus sur les facteurs environnementaux qui conduisent à la super-longévité. «UnAméricain a en moyenne 7 ans de handicap à la fin de sa vie, mais un habitantd'Okinawa 2 ans et demi seulement,» note Bradley Willcox. «Non seulement lesOkinawans vivent plus longtemps, mais ils vivent plus longtemps en bonnesanté.»

Moins de calories:

Au début des années 1990, des étudesconduites par Yukio Yamori (université de Kyoto) ont établi que les natifsd'Okinawa qui ont émigré au Brésil et abandonné leurs habitudes sont frappéspar l'obésité et les maladies cardiovasculaires. Leur espérance de vie est diminuéede 17 ans par rapport à ceux qui sont restés au pays. En revanche, les émigrésqui continuent de vivre comme dans l'archipel parviennent généralement à un âgeavancé. Ceci conduit les chercheurs à éliminer une influence prépondérante desgènes sur la longévité. Et à se focaliser sur le mode de vie. «En analysant lesdonnées concernant la nutrition, dit Bradley Willcox, nous avons découvert quetous les vieux d'Okinawa partagent un facteur alimentaire commun, un facteurque les spécialistes du vieillissement étudient depuis des années, le seulcapable d'augmenter l'espérance de vie dans toutes les espèces animales: larestriction calorique.»

Alors qu'un Américain consomme en moyenne2'500 calories (kcal) par jour et un Français 2'300, un habitant d'Okinawa n'enavale que 1'800. C'est, pensent les chercheurs, dans ces 600 à 700 caloriesquotidiennes en moins que réside le secret de leur extraordinaire longévité.Comment l'expliquer? Le phénomène peut être résumé ainsi: plus on mange, pluson vieillit, et la faute en revient à des particules très réactives appeléesradicaux libres qui endommagent tous les constituants du vivant. Inversement,le régime hypocalorique pratiqué à Okinawa, en diminuant la quantité deradicaux libres, épargne nos organes. L'espérance de vie augmente, la fréquencedes maladies liées à l'âge diminue. Alors que les radicaux libres augmententnormalement avec l'âge, les analyses de sang pratiquées sur les centenairesd'Okinawa montrent qu'ils sont soumis à un niveau très bas de radicaux libres:ils subissent deux fois moins d'atteintes que leurs cadets septuagénaires dontl'hygiène alimentaire s'est relâchée.

Manger, c'est vieillir:

Les mitochondries, nos centralesénergétiques cellulaires utilisent les aliments pour produire 90% de l'énergiecorporelle. Mais ce processus n'est pas «propre». Un petit nombre d'électronsse colle à l'oxygène pour donner une particule extrêmement agressive, unradical libre appelé superoxyde. En transformant les aliments, nous fabriquonschaque année 2 kg de ce radical libre qui abîme en permanence nosmitochondries. Au fil des années, celles-ci fournissent de moins en moinsd'énergie (ce qui explique l'essoufflement des personnes âgées) et de plus enplus de radicaux libres qui s'attaquent aux constituants de la cellule et auxorganes. Ils sont à l'origine du vieillissement et d'une bonne centaine demaladies comme le cancer, les maladies coronariennes ou Alzheimer.

Restriction calorique:

Pourtant, il n'y a chez ces centenairesaucune trace de malnutrition. «Au contraire, dit Bradley Willcox, la nourritureet la cuisine occupent une place importante dans la culture d'Okinawa.» Pour lechercheur, les habitants les plus âgés d'Okinawa pratiquent la restrictioncalorique sans privation. En fait - et c'est l'une des révélations les plusétonnantes de l'étude d'Okinawa, les centenaires de l'Archipel, s'ils ontconsommé toute leur vie moins de calories qu'en Occident, avalent en réalité,si l'on retient le critère du poids, plus de nourriture que nous! Pour ne prendrequ'un exemple, un hamburger avec du fromage ne pèse que 100 g, mais apporte 280calories. C'est précisément le nombre de calories fourni par un repastraditionnel d'Okinawa: légumes frits, riz complet et soupe, le tout pour unpoids de 500 g, soit 5 fois celui du hamburger.

Et voilà la clé de cette restrictioncalorique qui n'affame pas: des aliments dont la densité calorique (rapportéeau poids) est faible, qui conduisent plus vite à la satiété. Et sont aussi plusriches en vitamines et minéraux. Grâce à ces éléments, les habitants d'Okinawapeuvent manger sans se priver, sans prendre un gramme et en freinant levieillissement! En effet, lors d'un repas, nous sommes plus sensibles au poidsde ce que nous avalons qu'à sa densité calorique. La démonstration en a étérécemment faite par l'équipe de Barbara Rolls (université de Pennsylvanie).Elle a montré que des femmes à qui l'on sert un plat de pâtes et de légumesmangent invariablement la même quantité de nourriture, qu'elle soit plus oumoins calorique. Mais voilà: la plupart des aliments dits «modernes» - pizzas,hamburgers, sodas, pommes de terre, frites, pain blanc, barres chocolatées -ont une densité calorique élevée. La transformation d'un grain de blé en farineblanche multiplie par six sa densité calorique. Or, plus de 50 % des caloriesavalées par les Français viennent de céréales raffinées et des sucres ajoutés.Pour être rassasié avec de tels repas, il faut forcément accumuler lescalories. Et au passage, accélérer son vieillissement. D'ailleurs, les étudesconduites sur les Okinawans émigrés au Brésil montrent qu'ils consomment 18fois plus de viande que dans l'archipel, deux fois plus de charcuteries, troisfois plus de sucre et de laitages, trois fois moins de légumes et de poissons.Soit au total plus de 30% de calories supplémentaires. Et il y a chez eux 5fois moins de centenaires qu'à Okinawa même.

La pyramide d'Okinawa:

Les responsables de l'étude descentenaires viennent d'élaborer une série de recommandations alimentaires pourfreiner le vieillissement, sur le modèle du régime d'Okinawa. Cesrecommandations, sont présentées sous la forme de pyramides. Pour en saisir laportée, il faut d'abord examiner les conseils officiels français (ci-après,illustrées par Didier Marandin pour Sciences et Avenir).

Les céréales et féculents y constituentnotamment pour des raisons culturelles et économiques, la base del'alimentation. Les laitages y occupent une place importante (3 à 4 par jour),là également pour des raisons qui relèvent plus de l'économie et des habitudesculturelles que de la science pure. Au contraire, le socle du régime d'Okinawa(ci-dessous, illustré par Didier Marandin)

est constitué de fruits, légumes, algues,soupes, produits issus du soja, à la fois peu caloriques et rassasiants. «Vouspouvez manger ces aliments à volonté, dit Bradley Willcox. Vous n'aurez jamaisfaim et vous ne grossirez jamais.» Pour plus de variété, le Dr Willcoxrecommande de composer les trois-quarts du repas à partir de cette catégorie,et d'ajouter de petites quantités des autres aliments présentés dans lapyramide. Les patates douces, à l'index glycémique bas, sont à préférer à nospommes de terre. Le riz doit être consommé complet. On peut varier poissonsmaigres et poissons gras riches en oméga-3. Contrairement à ce qui estpréconisé par les nutritionnistes occidentaux, les chercheurs d'Okinawaconseillent de moins manger au fur et à mesure que l'on prend de l'âge, àl'instar des centenaires d'Okinawa, tout en conservant une activité physique régulière.En effet, en vieillissant, le métabolisme de base diminue: on brûle moins decalories au repos avec pour corollaire le risque de surpoids.

Quand l'Amérique se serre la ceinture:

L'étude des centenaires d'Okinawa est ladémonstration indirecte que la restriction calorique (RC) permet d'augmenterl'espérance de vie chez l'homme comme elle le fait dans 50 espèces animales.Mais comment en apporter la preuve formelle? Une étude d'intervention àl'échelle d'une vie est bien sûr hors de question. Mais à l'Institut nationaldu vieillissement des États-Unis (NIA) on pense pouvoir contourner cettedifficulté avec une première mondiale: deux études de modulation calorique decourte durée chez des volontaires, qui devraient démontrer que levieillissement humain est bien modulé par ce qu'on avale.

Le NIA a donné son feu vert à desexpériences sur l'homme, parce qu'il a depuis 1987 acquis la conviction que laRC est bénéfique chez nos plus proches cousins, les singes. «Si la RC a deseffets comparables chez l'homme et se révèle sans danger, elle pourraitcontribuer au vieillissement en bonne santé,» estime Evan Hadley, qui supervisel'une de ces études, baptisée CALERIE (Comprehensive Assessment of Long-termEffects of Restricted Intake of Energy). CALERIE va tester pendant deux à troisans les effets d'une baisse des calories de 20 à 30% chez des volontaires nonobèses. «Nous voulons savoir, dit-il, si une telle restriction estenvisageable, et mesurer son influence sur le risque de maladie et sur lesmarqueurs de la longévité que nous avons identifié dans les étudesd'observation.» Parmi ces marqueurs qui prédisent l'espérance de vie figurentles taux de DHEA (déhydroépiandrostérone) et d'albumine.

Une étude sur le jeûne:

Une autre étude du NIA s'intéresse auxconséquences du jeûne. Supervisée par Mark Mattson, le responsable de l'unitéNIA de Baltimore, elle va suivre dès septembre 2004 vingt volontaires invités àprendre soit 3 repas par jour, ce qui ne les changera guère, soit un seul repasquotidien le soir, sachant que le nombre de calories consommé ne variera pasd'un groupe à l'autre. Il ne s'agit donc pas d'une vraie restriction calorique,mais plutôt d'une simulation de jeûne intermittent. «Cette étude est basée surdes travaux que nous avons conduits chez le rat et la souris, indique MarkMattson. Nous avons remarqué que les rats qui ne mangent qu'un jour sur deuxprésentent les mêmes bénéfices que ceux qui sont soumis à une restrictioncalorique. Pourtant ces rats ne mangent pas moins, puisqu'ils se rattrapent lejour où la nourriture leur est servie. Mais leur glycémie est meilleure, leurcerveau vieillit moins. Nous faisons le pari que les mêmes phénomènes vont seretrouver chez nos volontaires.» Faire jeûner ces hommes et femmes un jour surdeux représentait trop de stress; l'étude a donc été adaptée en conséquence. Àl'issue des 6 mois que durera l'expérience, ces volontaires seront soumis à unebatterie d'analyses sanguines et de tests psychotechniques.

Ces études prototypes chez l'homme ontvocation à être élargies. «Si nous obtenons alors des résultats significatifs,indique Mark Mattson, le NIA formulera probablement des recommandationsalimentaires pour l'ensemble de la population.» Lui-même l'un des meilleursexperts mondiaux de la biologie du vieillissement, il n'a guère attendu pour seles appliquer. Le régime de semi-restriction calorique que suit depuisplusieurs années le Dr Mattson ferait bondir tout nutritionniste «classique».«Je ne mange pas plus de 2'000 calories (kcal) par jour, explique-t-il. Je neprends jamais de petit déjeuner.» Le Dr Mattson subodore que le nombre total decalories qu'on avale importe probablement plus que leur répartition engraisses, protéines, glucides. Et qu'il est préférable de ne manger qu'une foispar jour. Les personnes qui ne fontqu'un repas éprouvent une sensation de faim pendant les premières semaines.Après, elles se sentent incroyablement bien et pleines d'énergie.» Si lesétudes en cours lui donnent raison, il tient là de quoi simplifier de manièreradicale tous les conseils nutritionnels pour vivre longtemps en bonne santé!

70 ans de restriction calorique:

En 1935, Clive McCay, un vétérinaire del'Université Cornell, dans l'État de New York, publie un article qui allaitbouleverser les connaissances sur le vieillissement. McCay y raconte qu'il atrouvé le moyen d'allonger la vie de ses rats. Pour y parvenir, le chercheurles a mis au régime en prenant soin d'enrichir leur alimentation en vitamineset minéraux. Depuis, la restriction calorique a donné les mêmes résultats dansprès de 50 espèces, des rongeurs aux invertébrés en passant par les poissons.Lorsqu'on réduit de 30 à 40% le nombre de leurs calories, ces animaux vivent 20à 40% plus longtemps que leurs congénères qui se nourrissent librement. Ils sontaussi plus jeunes sur le plan fonctionnel. Les régimes hypocaloriquesaugmentent à la fois l'espérance de vie moyenne (un plus grand nombre d'animauxvit plus longtemps que la moyenne habituelle) et la longévité maximale (duréemaximale de vie de l'espèce).

Source : Institut national de l'origine et de la qualité - INAO