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Le chemin de Compostelle, de la légende à aujourd'hui

Un survol rapide de l'histoire de Compostelle et du pèlerinage à Saint-Jacques en introduction à l'attrait actuel pour le chemin.

De la légende à l'histoire

Au Ier siècle de notre ère, l'apôtre Jacques reçut l'ordre d'aller évangéliser l'Occident. Il débarqua en Galice, à Padron, où il fut si mal accueilli qu'il se retira sur les hauteurs rocheuses. Pour le cacher à ses persécuteurs, les rochers s'ouvrirent miraculeusement en une grotte protectrice, sous la simple pression de son bourdon. Un jour qu'il eut soif, il enfonça son bourdon dans la terre et fit jaillir une source, l'actuelle fontaine Saint-Jacques. Découragé, il rentra en Palestine, accompagné des deux seuls galiciens qu'il avait su convertir. Il y fut décapité. Après son martyre, ses disciples dérobèrent son corps et prirent place avec lui dans une barque de pierre démunie de voile et de gouvernail. Guidés par la main de Dieu, ils abordèrent à nouveau à Padron, nom qui signifie "Pierre", la pierre où fut amarrée la barque. Le pays étant encore païen, les disciples eurent maille à partir avec le roi et la reine, mais leur sainteté les fit triompher de mille dangers: un pont s'écroula sous leurs poursuivants, le roi mourut, des taureaux sauvages devinrent domestiques et la reine se convertit. Saint-Jacques aurait ainsi trouvé le repos en un lieu qui fut bientôt oublié. La légende se poursuit plus tard, racontée par un texte de 1077: "un ermite nommé Pélage reçut des anges la révélation du lieu où se trouvait le tombeau, non loin de l'endroit où il priait. Puis les fidèles de la paroisse voisine aperçurent des lumières qui indiquaient le lieu précis. Alerté, l'évêque Théodemir décréta un jeûne de trois jours et trouva la sépulture de Saint-Jacques". Théodemir avait vécu au IXe siècle.

Dans la Bible, Saint-Jacques dit le Majeur est fils de Zébédée et de Marie-Salomé, frère de Jean l'Évangéliste. Apôtre du Christ, il fut le premier à subir le martyre, décapité sur l'ordre du roi Hérode, en l'an 44. Ces brèves indications furent ensuite complétées par des récits qui furent tous des faux, mais qui ont passé pour vrais jusqu'au XVIIIe siècle. Ils furent réunis au XIIe siècle dans un manuscrit conservé à la cathédrale de Compostelle, le Codex Calixtinus du nom du pape Calixte II qui fut l'artisan de la grandeur de la cité. Celui-ci était fils des ducs de Bourgogne, moine à Cluny où il fut ensuite élu pape en 1119.

Le plus connu des textes du Codex fut la chronique du Pseudo-Turpin où naît le "chemin de Saint-Jacques", la Voie Lactée que Saint-Jacques décrit en songe à Charlemagne. Un récit où souffle l'épopée des compagnons du grand empereur venus rendre l'Espagne aux chrétiens et qui s'achève par la mort de Roland à Roncevaux. Une "Histoire" diffusée jusqu'aux confins de l'Europe, par des rois qui se voulaient successeurs de Charlemagne. Un discours politique conçu comme un "roman" capable de convaincre les chevaliers de partir en croisade vers Saint-Jacques, patron de l'Espagne, capable aussi d'y entraîner des pèlerins. Ces derniers ne furent pas ceux décrits par les dictionnaires du XIXe siècle, pauvres et pieux cheminant péniblement vers l'apôtre, mais tous les nobles, ecclésiastiques, commerçants, compagnons, aventuriers, mendiants qui mêlaient la dévotion à leurs autres motivations. Ils ne se comptent pas par millions, comme on le dit trop souvent mais, de façon plus parlante, ils sont la foule symbolique des Élus de l'Apocalypse. Reprenant ce texte, le Codex les fait passer par Compostelle (nouvelle Jérusalem) avant de les conduire à Dieu au long de la Voie Lactée, avec Saint-Jacques, grand passeur des âmes.

Aujourd'hui ... un point de départ privilégié:

Le goût pour la randonnée pédestre, le besoin de retrouver la nature, l'appel de Jean-Paul II lancé de Compostelle en 1982, une médiatisation croissante ont donné une nouvelle vie aux chemins de Saint-Jacques. Reconnus itinéraire culturel européen en 1987, ils sont un laboratoire en vraie grandeur de la construction européenne par les innombrables rencontres et dialogues qu'ils permettent entre pèlerins de toutes nationalités.

Tous ceux qui les empruntent ne font pas un pèlerinage comme s'ils allaient à Lourdes, Lisieux ou Fatima. Compostelle est plus qu'un but, c'est une invitation à prendre le chemin. La pratique traditionnelle est de partir à pied de chez soi pour une longue approche vécue comme une quête. Les raisons qui poussent l'Homme à partir semblent multiples, mystérieuses, parfois inconnues de celui ou celle qui prend la route, pour répondre à un appel indéfinissable, mais impératif. Tous vont rompre, pour un temps, avec leur confort et leurs habitudes, peut-être aussi avec leurs idoles. Le chemin, parcouru pendant une durée suffisamment longue ouvre à la réflexion et au retour sur soi. Il est occasion d'ouverture aux autres, de partage et de tolérance. C'est un chemin d'homme, un chemin de foi.

Le Codex Calixtinus contient un texte qui, depuis la fin du XIXe siècle, passe pour une sorte de Guide Bleu avant la lettre, le Guide du pèlerin. Ce Guide a été à la base de la naissance du "chemin du Puy" dont on sait le succès. Les quatre chemins proposés par le Guide du pèlerin avaient aussi un but politique: le roi de Castille Alphonse VII attirait dans sa mouvance les grands seigneurs d'une Aquitaine allant de l'Atlantique au Rhône et des Pyrénées à la Loire. Aux limites de ces régions dont il se voulait l'Empereur, quatre grands sanctuaires de pèlerinage, Tours, Vézelay, Le Puy, Arles, dont il voulait drainer les pèlerins vers Compostelle. Cette ambition n'a pas eu de suite, d'où l'oubli du Guide dans les archives de la Cathédrale. En même-temps qu'on le retrouvait au XIXe siècle, était découvert le pèlerinage à Compostelle de Godescalc, évêque du Puy, en 951. Grâce à cet illustre pèlerin, la ville du Puy a su s'affirmer, depuis un demi-siècle, comme point de départ privilégié des pèlerins contemporains.

Denise Péricard-Mea, docteur es-lettres, spécialiste de Saint-Jacques, 30 juin 2003.

Source : Emmanuel Delmas, sommelier