Livraison offerte dès Fr. 300 d'achat ou 18 bouteilles, sinon Fr. 15

Espagne

Premier pays en termes de surface avec près d'un million d'ha de vignes en production, l'Espagne peut se targuer d'un très long passé viticole dont les acteurs principaux furent les Phéniciens d'abord, puis les Carthaginois, les Grecs et, enfin, les Romains qui vont finir de structurer le vignoble. Les premiers, en fondant Cadix en 1104 av. J.–C. ont donné l'impulsion, contribuant notamment au début de la renommée des vins de Xérès.

Après les conquêtes musulmanes (début du VIIIe siècle) et jusqu'à la Reconquista (1492), la vigne continue d'être présente dans une grande partie du pays. Cinq crus sont déjà attestés : le séville, le grenade, le lorca, le minorque et le malaga que prisent les amateurs de vins qui, par ailleurs, n'ont aucune difficulté à se procurer leur boisson de prédilection, le négoce et la consommation de vin n'étant pas interdits aux chrétiens et aux juifs. Même durant la période almohade censée appliquer un prohibitionnisme strict, les élites musulmanes continuèrent de pratiquer un art de vivre hérité du califat ommeyade. Tout porte à penser que le vin en faisait également partie : "On boit, dans la āṣṣa, par convention sociale, on boit par esthétisme, on boit pour que la griserie (et non l’ébriété) ouvre le cœur et délie l’esprit. On boit pour mieux parler, pour mieux aimer, pour mieux s’offrir à la musique. Pour être mieux en soi et mieux avec les autres." (François Clément, Manières de boire et sociabilité du vin en Andalus).

Dès le début de l'époque moderne, au XVe et jusqu'à la crise du phylloxera, le vignoble hispanique va connaître un essor continu destiné à la production de vins qui parfois font le tour du monde, comme la quantité importante de vins de Xérès que Magellan embarque en 1519 sur ses cinq navires pour accomplir le tour du monde. Les dépenses pour ces tonneaux de Xérès sont supérieures au budget consacré à l'armement de ses soldats. Après l'infortune que connut le grand navigateur (tué sur l'île de Mactan aux Philippines), on peut se demander si le contraire n'eût pas été préférable ? 

Le développement important qu'a connu l'Espagne au XIXe siècle va s'accompagner par une refonte importante du vignoble et orienter certaines régions, telle la Rioja, vers la production de vins de qualité. A l'imitation du modèle bordelais pour le marquis de Riscal ou, dans une optique plus identitaire du Rioja, pour le marquis de Murrietta. C'est également à cette période que Don Eloy Lecandan y Chaves rachète un domaine en 1848. Ce dernier est situé au cœur de la Ribera del Duero et appartient au Marquis de Valbuena qui a quelques difficultés économiques.  Le domaine va devenir très vite célèbre sous le nom de Vega Sicilia et, aujourd'hui encore, il demeure l’un des emblèmes des grands vins espagnols.

Dans la foulée des pionniers, l'Espagne a accompli une nouvelle mue viti-vinicole au début des années 80 et de nombreuses appellations ont connu un véritable engouement et une reconnaissance méritée sur la scène internationale. L'engouement de Robert Parker pour les vins espagnols n'y étant pas étranger.

 

On ne peut évidemment que se réjouir de cette course à la qualité qui s’accompagne la plupart du temps d’un changement de style sensible : les vins y gagnent en fraîcheur d’expression et en équilibre ; en outre, le boisé américain tend heureusement à perdre un peu de terrain.

Située au sud des monts cantabriques, dans la vallée de l'Ebre et de l'Oja, la Rioja est l’une des principales régions viticoles, même si en termes de surface, elle arrive loin derrière La Mancha. C’est la région la plus connue même si la production y est assez hétérogène. On distingue trois ensembles : la Rioja Alta un peu plus élevée en altitude (400 à 500 m), la Rioja Alavesa et la Rioja Baja, la plus chaude. Au niveau de l’encépagement, le tempranillo y règne en seigneur, agrémenté de grenache, de mazuelo (carignan) et de graciano.

D’une superficie légèrement supérieure à 12’000 ha, la Ribera del Duero est une appellation aristocratique qui doit beaucoup au Vega Sicilia évoqué ci-dessus. Le tempranillo est également majoritaire ici, suivi par le grenache ainsi que par le cabernet et le merlot. Au regard de ses prestigieuses aînées, sa surface est minuscule et sa notoriété très récente, et pourtant l’appellation Priorat (1’000 ha), située au sud-ouest de Barcelone en Catalogne, fait preuve d’un formidable potentiel. Le carignan et le grenache sont ici les cépages traditionnels complétés par de nouvelles plantations de cabernet et de syrah chez certains producteurs.

Parmi les régions-phares de l’Espagne, outre les grandes appellations andalouses, il faut également citer la région du Penedès, la région de Jumilla, à l’est d’Alicante où le mourvèdre s’exprime à merveille, le Bierzo, ainsi que les régions de la Ribeira Sacra et de Rias Baixas, grands terroirs à blancs en Galice. Sans oublier le Priorat qui, malgré sa petite taille recèle quelques-uns des plus grands vins rouges espagnols. Une véritable révolution qualitative s'est produite ici au début des années 80 : sous l'impulsion de quelques viticulteurs visionnaires (dont René Barbier et Alvaro Palacios), le vignoble du Priorat, initié sans doute au XIIe siècle par les moines de la Cartoixa de Scala Dei, est littéralement rené de ses cendres... Aujourd'hui, malgré les nombreuses plantations récentes, le vignoble du Priorat comprend encore un pourcentage significatif de très vieilles vignes plantées sur le terroir typique de l'appellation, la llicorella, issue de la désagrégation de l'ardoise, principalement du Dévonien et du Carbonifère (entre 400 et 300 millions d'années). Il faut encore dire un mot de la beauté unique de cette région qui, dans son aire étendue, comprend aussi le Montsant et Siurana.

 

Andalousie : Jerez,
Montilla-Moriles et Malaga

Le vignoble de Jerez se trouve en Andalousie, au sud de l’Espagne, entre Jerez de la Frontera, Sanlùcar de Barrameda et El Puerto de Santa Maria et bénéfice d'une notoriété très ancienne.

L’appellation Montilla-Moriles – qui a donné son nom à l’Amontillado – a longtemps été associée aux vins de Jerez dont elle se distingue pourtant, grâce notamment à la haute teneur en alcool naturel de ses vins. Elle se situe au sud de Cordoue et couvre une superficie d’environ 13’000 ha.

Grâce à son sous-sol particulier de marnes à fort pouvoir de rétention d’eau, le vignoble de Jerez ne souffre pas trop de la sécheresse qui règne dans cette région. On retrouve en partie la fameuse craie, albariza, sur Montilla-Moriles ainsi qu’un mélange de sables rouges avec un peu d’argile et de calcaire. Les meilleures zones (Alberos) sont semblables à celles de Jerez. Le vignoble peut se diviser en 2 zones : Montilla Sierra et Morilles Altoa au caractère plus prononcé.

Trois cépages sont autorisés pour la production du Xérès, mais aujourd’hui, c’est le palomino qui est surtout utilisé. Les deux autres cépages, le pedro ximénez blanc – cépage du Montilla-Moriles – et le moscatel sont utilisés en alliance avec le palomino pour la production de « Creams » et de vins de dessert sucrés.

Une fois les fermentations alcoolique et malolactique terminées intervient un premier type de classification afin de séparer les vins destinés à un élevage biologique marqué par l’intervention de la flor (le voile) et les vins destinés à un élevage de type oxydatif.

Cette première classification correspond à deux styles fondamentalement différents de Xérès :

  • Les Fino (appelés Manzanilla dans la région de Sanlúcar de Barrameda) qui font partie des crianza de flor.
  • Les Oloroso sur lesquels la flor n’intervient pas et qui bénéficieront d’un long vieillissement de type oxydatif selon le système de la solera.

Après cette première classification, ces vins sont alors vinés (encabeziamento) en fonction de leur type. Ainsi, les vins destinés à un élevage de type biologique ne devront pas dépasser 15° alors que ceux destinés à un vieillissement de type oxydatif seront vinés à 18° pour empêcher le développement de la dite “flor”. Commence alors l’élevage en foudres de chêne américain dans la crianza où sont stockées les rangées de fûts, les criaderas.

Outre les deux catégories précédentes, il existe une sorte de catégorie intermédiaire. Ce sont des vins initialement destinés à produire des Fino, mais qui en raison d’une teneur réduite de la flor ont été séparés, vinés une nouvelle fois pour atteindre 17°, et ont connu ensuite un vieillissement de type oxydatif de deux ans. Après cette période de vieillissement, les plus fins de ces vins donneront les Amontillados et les plus corsés les Palo Cortado.

Le cépage emblématique de Montilla-Moriles est le Pedro Ximénez (PX). Le climat continental très chaud induit ici les vendanges les plus précoces d’Espagne (mi-août environ). La majorité de la production est dévolue au Fino, qui rivalise sans problème avec celui de Jerez. D’une richesse en sucre très élevée, le PX n’a pas besoin d’être fortifié à Montilla-Moriles pour ce type de vins. En revanche, l’Amontillado et l’Oloroso sont légèrement vinés. Enfin, l’autre fleuron de la production de Montilla-Moriles est constitué par les grands vins doux produits à partir de PX passerillés à même le sol durant une dizaine de jours après la vendange. Le climat très chaud et très sec de la région favorise une dessiccation naturelle propice à la production de grands vinos generosos. Le temps n’a plus dès lors qu’à faire son œuvre et la dégustation d’un PX Reserva et Gran Reserva de haute lignée demeure une expérience gustative inoubliable.

loader