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vin à table (rôle du)

Cette citation d'Homère a heureusement conservé tout son sens de vérité,le chantre est devenu maîtresse de maison ou maître d'hôtel, l'échanson estdevenu celui qui invite ou sommelier, enfin, les amphores se sont heureusementtransformées en bouteilles et la qualité nos verres a beaucoup progressé pourflatter le contenu.

Un bon repas se discute etpour que les propos ne couvrent pas mets et vins, un autre texte d'un grandamateur, Sacha Guitry, paraît justifié :

Laplupart des dîners sont de véritables guets-apens...
« Quand un dîner est mauvais, ça ne prouve pas seulement que le dîner estmauvais. Ça prouve que le café ne sera pas buvable, ça prouve que les liqueursseront oubliées et les cigares omis. Ça prouve que vous ne tenez pas à ce queje revienne. Ça prouve que j'ai eu tort de venir. »
Pourquoi ai-je l'impression qu'autrefois on agissait différemment ?
Et à quoi faut-il attribuer cette insouciance des amphitryons ?
À leur avarice ?
Oui, d'abord, bien sûr. Mais aussi surtout, cela tient à la facilité qu'on ad'ouvrir sa porte à n'importe qui, presque.
Il faut estimer ses convives. Or, on s'invite à dîner pour faire connaissance.
On commence tout simplement par la faim.

Ensuite, on serend l'invitation.
On fait ça trois fois, quatre fois, jusqu'à ce que ça vienne...

Et, le plus souvent, on s'aperçoit - trop tard quel'amitié ne vient pas en mangeant.
Eh ! Oui, trop tard ! Vous ne pouvez plus vous dérober. Le pli est pris, c'estl'engrenage. Et puis, on sait que vous avez dîné à plusieurs reprises les unschez les autres; on croit que vous êtes des intimes et l'on ne s'explique pasvos sévérités réciproques, - car, pour tout le monde, vous êtes des amis,excepté pour vous.
Ainsi, vous détruisez l'un des plus grands charmes de la vie. Et, l'ayantméconnu, pour un peu vous le contesteriez.
Et, pourtant, est-il un plaisir plus savoureux que celui d'avoir à sa tabledeux amis gourmands et gais ?
Je dis "deux", parce que pour manger, c'est comme pour causer, il nefaut pas être nombreux.
Moins on est de fous, plus on rit.
Car, il faut bien l'avouer, on ne s'amuse jamais lorsqu'on est quinze ou vingtà table - ou ailleurs.
Un grand dîner ! Mais c'est sinistre, un grand dîner.
On n'est jamais placé comme on aurait souhaité l'être. On a toujours tropchaud, on est mal et on mange un petit peu d'un tas de plats compliqués etprévus.
Ah ! Que la vie est belle et que l'on bavarde bien quand on est quatre et qu'ona mangé chacun son perdreau.
Puisque vous avez la manie d'avoir chez vous des gens célèbres, ne les invitezdonc pas tous à la fois.
On brille mieux quand on est seul, et les gens célèbres préfèrent ne pas serencontrer.
Conviez-les chacun à leur tour, offrez-leur de bons mets et de bons vins, vousles aurez souvent, et au moins vous pourrez profiter d'eux.
Vous faites venir Capus, et le même soir, vous invitez Donnay pour épaterCapus.
C'est une faute inutile.
Capus est bien plus épaté de voir Capus chez vous que d'y voir Donnay.

Aujourd'hui, le grand plaisir de la table est indissociable des autres,joie de faire asseoir parents ou amis autour d'une table décorée avec goût,parée d'un couvert de goût. Joie de déguster des mets raffinés et des vinssélectionnés avec soin, servis à bonne température. Joie tout au long du repas,d'échanger d'intéressants propos sur les mets et les crus qui se marientharmonieusement. Quoi de plus vrai: « Un bon repas se parle autant qu'il semange ». Cette gastronomie a impérativement besoin de l'accompagnement du vin.En cuisine pour les sauces et autres plats mijotés, puis en partenaire desmets, en les accompagnant, sans jamais les écraser. Le vin accentue la touchede terroir des spécialités régionales, comme il rehausse de sa vigueur lesproduits de la mer et autres gibiers. Sans compter l'apéritif lors duquel saprésence en finesse commencera déjà à délier les langues.

Remontons au Moyen Âge, la présence prestigieuse du vin sur la tableavait déjà  quelque chose derituel, de symbolique. Ainsi, au temps de la chevalerie, les couples avaientpour coutume de manger dans la même assiette et de boire le vin dans la mêmecoupe. De là est née, sans aucun doute, la sentence selon laquelle, il suffitde boire dans le verre de quelqu'un pour connaître ses pensées.

Terminons ce propos sur une citation de Paul Claudel :

« Le vin, etje parle aussi bien de ce breuvage impersonnel et courant qui rafraîchitl'honnête soif du travailleur, que de ces crûs  antiques dont le blason empanaché honore l'armorial de nosplus belles provinces, le vin a une triple mission, il est le véhicule d'unetriple communion.

La communiontout d'abord avec la terre maternelle où il enfonce ses racines, et de qui ilreçoit à la fois âme et corps.

En second lieula communion avec nous-mêmes. C'est le vin tout doucement qui échauffe, quidilate, qui épanouit les éléments de notre personnalité, qui ranime nossouvenirs, qui stimule notre imagination et qui, avec ces doigts de rosequ'Homère attribue à l'aurore, nous ouvre sur l'avenir les perspectives les plus encourageantes. Le vin est leprofesseur du goût et, en nous formant à la pratique de l'attention intérieure,il est le libérateur de l'esprit et l'illuminateur de l'intelligence.

Et enfin levin est le symbole et le moyen de la communion sociale : la table entre tousles convives établit le même niveau, et la coupe qui y circule nous pénètreenvers nos voisins d'indulgence, de compréhension et de sympathie. »

Extrait de "Éloge du vin". 

 

Source : Romanduvin